Nombre total de pages vues

samedi 8 février 2014

n° 55 : Elections municipales en vue

Comme partout en France se dérouleront en mars prochain les élections municipales.

Et alors ?! C'est l'affaire des mahorais d'élire leurs conseillers et maires !

Pas tout à fait ! Car j'ai demandé à être inscrit sur la liste électorale de ma commune de résidence, à savoir Chiconi. Et j'y voterai les 23 et 30 mars prochains. Je suis un chiconien !

Avec ses 7300 habitants, Chiconi est l'une des plus petites communes de l'île. Elle est située sur la côte ouest, face au canal du Mozambique et donc à l'Afrique. Chiconi fut longtemps une ville de marchands ; son nom  vient de l'arabe "Soukini"qui signifie "place du marché"

A Chiconi, on comprend vite que les racines malgaches de la population sont très fortement ancrées.
On ne parle parle pas shimaoré, mais shibushi, dialecte ou langue de l'ethnie Sakalava (ouest de Madagascar). J'en maîtrise trois mots tout au plus. Mon truc, ou plutôt mon métier, c'est l'enseignement de la langue française. Vous me direz que je pourrais faire un petit effort ; sans doute, mais je ne l'ai pas encore fait.

Chiconi est composé d'une vingtaine de quartiers ; j'habite Ambani ("quartier du bas" en malgache) ; c'est celui qui est situé près de la mer. (voir photo). C'est aussi là qu'est mon école (Que l'on voit aussi sur le cliché).



Les élections ont-elles une grande place à Mayotte et donc à Chiconi ? OUI

Les campagnes sont passionnées, avec de forts taux de participation.
On dit que beaucoup de gens votent sans avoir lu les programmes, ou même sans savoir lire ; on dit qu'il y a déjà eu des pressions sur les électeurs, on dit que tout ne se fait pas dans la plus grande légalité...
Je sais seulement que les enjeux sont importants ; et sans doute plus qu'ailleurs dans ce jeune département en pleine mutation.
 Il faut seulement espérer que tout se passera le plus sereinement possible,et dans la plus parfaite légalité. En 2008, les électeurs étaient allés voter quatre fois, les élections de mars ayant été annulées par le tribunal pour cause de flou pas très artistique sur les procurations.

Quelles sont donc les forces politiques à Mayotte ?

Traditionnellement, c'est le RPR de J. Chirac qui a longtemps eu ici l'essentiel des suffrages. L'UMP lui a naturellement succédé. Le MDM (mouvement pour le développement de Mayotte) est aussi très présent ; c'est d'ailleurs le parti du président du conseil général. Le Parti Socialiste a également beaucoup de représentants. Il existe le Parti Social Mahorais dans quelques communes, de même que le Front National dans la nord de l’Île. Pas de trace du Front de gauche, ni du Modem ou d'autre parti centriste.


Quels sont les grands sujets, les enjeux les plus  importants, ceux sur lesquels les maires seront élus ou non ?

Combler le surendettement des communes ne va pas être une tâche aisée pour les équipes qui seront élues. Il est parfois colossal.
L'emploi reste un souci de taille : le chômage est supérieur à 25% de la population active.
Les chiffres de la délinquance ont grimpé en flèche depuis 2011; Mamoudzou est la quatrième ville la plus cambriolée de France. Et c’est souvent le fait de mineurs.
L'occupation des jeunes demeure donc un point capital .
Les constructions de dizaines d'écoles, de collèges et de lycées sont à réaliser de toute urgence.
Côté urbanisme et voirie, les chantiers sont tout autant titanesques : l'état des routes est catastrophique. De très nombreuses maisons n'ont pas d'eau, ni d’électricité, et les constructions sauvages sans permis sont la règle.
Quant au problème de la gestion des déchets, c'est une montagne inaccessible....

Il y a donc du travail !!!! Souhaitons simplement que les futurs élus penseront plus à l’intérêt général qu'à leurs intérêts particuliers (ou ceux de leurs proches)



Et si on revenait plus spécifiquement à CHICONI .

Car les meetings, investitures publiques et réunions de quartiers ont commencé.
Et à Mayotte, les meetings, ça se passe comme ça :

Les femmes y sont toujours très présentes et  très revendicatives.



Mais qu'a à voir Monsieur Didier avec tout cela, me direz-vous ?
Eh bien, figurez-vous que j'ai été invité par la directrice de mon école à une réunion de quartier organisée par son équipe de campagne. Ma collègue se présente en effet aux municipales sur la liste UMP et espère bien devenir adjointe au maire dans quelques semaines.
Ceux qui connaissent un peu mes opinions politiques commencent à se demander ce que je pouvais bien faire à une réunion de l'UMP.
En fait, il n'a jamais été question de politique nationale. Et ce fut fort intéressant et dépaysant.

Je vais tâcher de vous restituer l'ambiance :
Le lieu : la très grande salle à manger et la varangue (véranda) chez ma collègue.
A l'intérieur, soixante-dix  personnes assises. Sur des chaises ? Non ! Une dizaine (dont moi) dans des canapés et fauteuils ; et les autres par terre tels que vous pouvez le voir sur la photo ci-dessus. J'avais donc une place de choix entre un fundi (sage) à ma gauche et mon traducteur personnel à ma droite qui m'a tout expliqué pendant plus de deux heures. Car toute la réunion s'est faite en shibushi.

Les sujets : la voirie, l'éducation et les activités pour les jeunes, les finances, la zone d'activité économique, la prise en compte des anciens, les calomnies de l'équipe adverse ( liste dissidente de l'UMP).
Un petit buffet composé de bananes et de samousas étaient aussi à disposition avec du café, du coca ou de l'eau. Mais ici, on mange assis par terre.
J'ai également eu droit à ma présentation spéciale de la part de la directrice ; je ne sais pas trop ce qu'elle a dit de moi, mais vu que tout le monde s'est retourné dans ma direction, j'ai compris que ça me concernait tout particulièrement. Je suis revenu avec une fleur de jasmin accroché à mon maillot, apparat de tous les hommes présents.
J'ai donc fait la connaissance de la tête de liste (futur maire ?) et de ses co-listiers, mais aussi d'un musicien très connu dans l'océan indien et sur les scènes parisiennes, Mikidache.

La réunion a été clôturée par une prière prononcée par un religieux et répétée par toutes les personnes présentes (sauf moi),  les paumes tournées vers le ciel et le regard baissé. A Mayotte, il ne faut jamais oublier que la religion musulmane fait partie de la vie quotidienne, qu'elle est foncièrement intégrée dans la culture, même quand il s'agit de démocratie et de choix républicains.

Une nouvelle expérience ; une nouvelle découverte.
C'est certain, je ne peux plus voir Mayotte avec les yeux d'un touriste de passage. Même si je reste bien modestement conscient que l'essentiel m'échappe.






4 commentaires:

  1. Trop fort un grand merci pour ces beaux moments !!!!
    P etM

    RépondreSupprimer
  2. Rassure moi, tu ne t'es pas inscrit sur la liste de ta collègue !!!
    Bises
    Véro

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non, non ! Je ne suis qu'un électeur qui découvre la politique à Mayotte !
      Petite précision : ma collègue est au PS ; alliances locales;
      Bises;

      Supprimer