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mardi 25 mars 2014

n° 63 : Aux urnes, citoyens !

Élections municipales à Mayotte, tome2.

Je suis finalement sorti sain et sauf de mon dimanche de" Voti".
Franchement, je n'étais pas très rassuré, au vu des diverses raisons évoquées dans le n° 62.

Le bureau N° 20 avait pour cadre la salle d'EPS de l'école maternelle .
Arrivé avant tout le monde vers 7H 15, j'ai trouvé porte close. La présidente du bureau s'est finalement présentée vers 7H 40. Donc vingt minutes pour préparer la salle et se mettre d'accord sur le déroulement de la journée, ainsi que sur la gestion des cas épineux qui peuvent nous être proposés.

Premier souci et sans doute le plus délicat : les noms et prénoms. A Mayotte, c'est seulement depuis 2008 que l'on a demandé aux gens de prendre un nom de famille. Avant, on portait son prénom et le prénom de son père et c'est tout. Ainsi, Ali Mohamed, fils de Mohamed Bacar pouvait avoir pour fils Youssouf Ali.
Tout le monde n'a pas modifié son état civil sur tous les papiers. Ce qui fait que de nombreux noms des registres ne correspondaient pas aux papiers d'identité.
On s'est donc questionné pour savoir si on acceptait ou refusait une identité non encore modifiée. Les représentants des trois partis en lice à Chiconi dans le bureau 20 ont unanimement accepté ; donc moi aussi.

C'est à ce moment que j'ai remarqué que l'on me posait beaucoup de questions sur la disposition des registres, des tas de listes. On m'avait pris pour un représentant de la préfecture ! Un m'zungu dans un bureau d'élections, c'est rare à Chiconi. Je n'ai d'ailleurs pas vu un seul blanc de toute la journée.

Second problème : les procurations. Les coco et bacoco (anciens et anciennes) ne peuvent pas toujours se déplacer ; les jeunes sont souvent en métropole pour leurs études. Ce qui fait que le tas de procurations par bureau est impressionnant. Il a fallu vérifier leur validité.

La première heure est demie a été chaude. Le temps passé aux diverses vérifications a allongé la file d'attente. Heureusement, j'ai su où aller chercher des chaises, et ça un peu calmé certaines personnes.
Puis ce sont deux ou trois hommes très largement imbibés d'alcool qui sont venus parader, crier et manifester. Le policier municipal appelé en renfort n'a pas eu trop de mal à les calmer. Tout cela est vite rentré dans l'ordre.
Tranquille, me direz-vous. Finalement oui, comparé à d'autres endroits.
Mais j'ai bien senti que tout pouvait vite partir en vrille. Vers 9H 30, alors que tout se passait bien, une discussion à propos d'une procuration a engendré cris et invectives. Je ne comprenais rien, mais les décibels étaient élevées ! Et c'est retombé aussi vite que cela avaient commencé ! Il faut savoir qu'à Mayotte, on crie souvent même pour des choses du quotidien. Et les femmes ne sont pas en reste.

Pas d'autres anecdotes ? Si.
Deux grands-mères ont eu du mal à retrouver leur enveloppe qu'elles avaient glissé ...dans la poubelle. Plusieurs personnes ont embrassé leur bulletin. Des quantités importantes de nourriture étaient présentes dans le bureau : une bassine de riz, du batabata, du zébu en sauce, des samousas, des viennoiseries et de multiples canettes de jus de fruits ; plus de l'eau. Le tout apporté par les différents partis. On a tout partagé.

Une journée assez calme, finalement. Calme, mais longue : 12H 30 de présence d'affilée, ça use, ça use !
Car il a fallu dépouiller. Et ce sont les 9 mêmes personnes (dont moi) qui s'en sont chargées. A huis clos, qui plus est.
Pas de soucis là non plus ; sauf une bonne rigolade à la fin dont j'ai saisi le sens, ou à peu près : le téléphone d'un des scrutateurs a sonné (ou devait pourtant l'éteindre !) Sa femme commençait à s'impatienter ; mais quand il y a le "voti" et qu'on est bénévole, il faut assumer jusqu'au bout.

Alors !? Rien de plus truculent ?!
Si quand même. Une femme assesseur m'a glissé à l'oreille que si du monde se présentait en masse vers 17H30, elle "foutrait le bordel exprès" pour empêcher les retardataires de voter. Pourquoi ? Parce que ce bureau était traditionnellement du parti adverse et que refuser des électeurs revenait à lui donner moins de voix. Stratégique, mais vicieux !
Dans d'autres communes, il y a eu plus de mouvement : deux bureaux n'ont fermé qu'à 21H. Un gros bazar a eu lieu dans les procurations et la moitié seulement des personnes voulant voter l'avaient fait à 18H. Cris, menaces et hurlements.
Dans la commune voisine, de nombreuses procurations ont été cachées sous les registres. Chaque assesseur sortaient celles de sa liste et pas les autres. A la fin beaucoup ont été retrouvées, mais trop tard. Quand on sait que la mairie s'est jouée à 32 voix près....

Mais comment sait-on pour qui vont voter les gens, me direz-vous ? Eh bien parce qu'à Mayotte, les électeurs affichent leurs convictions. On sait qui va voter pour qui.  (Enfin, on le pense).
La dame avec qui je tenais l'urne avait fait ses études en métropole (ici on dit "en France").
Elle a été très étonnée de se rendre compte, pendant les huit années passés en métropole, qu à Orléans, Rennes ou Grenoble, on n'y parlait pas trop politique, et surtout qu'on n'affichait pas la couleur de son camp haut et fort.

Les résultats à Chiconi.
Trois listes en présence : l'UMP

La liste Outifaki (convergence des forces de progrès)

Et l'UDI-PS


J'ai vu et je connais plus ou moins la plupart de ces gens. Je vis parmi eux. Pas intégré, mais participant un peu à la vie locale.

Au fait, voici les résultats du premier tour :

Dimanche prochain, je me contenterai de voter. L'avion de Françoise atterrit vendredi.

A bientôt. 

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