n° 62 : Comment je me suis retrouvé délégué UMP pour les élections municipales à Mayotte

Oui ! Vous avez bien lu !
"Mais que diable allait-il faire dans cette galère ?" Êtes-vous en train de vous dire.

Je vais tenter de vous expliquer comment je me suis retrouvé dans cette situation.

Chacun sait que je ne suis encarté dans aucun parti politique ; ceux qui me connaissent mieux savent que mon cœur penche nettement à gauche.
Mais alors, que s'est-il passé ? Ai-je pris quelques produits illicites présent sous les tropiques. Pas du tout ; rien de tout cela.

Rappelez-vous :  pris par la curiosité, j'étais allé assister à une réunion politique de l'UMP. La personne qui m'y avait invitée était la directrice de mon école. Bien que socialiste, elle a décidé de faire partie de cette liste pour convenance personnelle.
Il faut dire que c'est un peu comme cela à Mayotte : les personnes changent de parti selon les élections, et les alliances sont multiples et originales.
Deux exemples : le président du conseil général actuel appartenait au MDM (Mouvement Départementaliste Mahorais). Lors des dernières cantonales, il avait rejoint les rangs de l'UMP. Mais lors de l'élection du président du conseil général, il a, dans la nui,t changé d’alliés et a rejoint le MDM. Les élus de l'UMP ont boycotté le vote. Cela s'est terminé plus tard pas de nouvelles alliances.
Second cas : dans la commune de Chiconi (celle dans laquelle je vais devoir "officier"), les municipales de 2008 ont vu au second tour se constituer une alliance PS-UMP-Nouveau centre, contre une liste de l'Union qui l'a finalement emporté. Aujourd'hui, c'est une liste de l'Union opposée à une du PS-UDI et à celle de l'UMP. A noter qu'il n'y a pas de parti plus à gauche que le PS à Mayotte.

Mais revenons à nos moutons
Il y a deux semaines, ma collègue et directrice me rencontre dans la rue, et me demande si je ne voudrais pas participer à la tenue d'un bureau de vote. Toujours un peu curieux et voulant savoir comment cela se passe ici, je lui réponds favorablement. Dans mon esprit, il devait s'agir d'être assesseur et d'enregistrer les votes, ou de donner les enveloppes pendant quelques heures. Rien de plus. Une action citoyenne.  Le gros curieux est un gros naïf !!!

Dernier épisode mercredi dernier : je reçois une lettre de la section locale de l'UMP qui m'informe que j'ai été désigné pour être délégué titulaire pour le premier tour des élections sur l'un des sept bureaux de la commune. Et que j'y représenterai l'UMP locale.
A ce titre' je "devrai contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix. Je signerai le procès-verbal".  Donc présence au bureau de 7H 30 à ....tard !
Rien que çà !
Refuser ? La liste vient d'être envoyée en préfecture ! Coincé le m'zungu !

"Cerise sur le gâteau", ce bureau est situé dans l'école dans laquelle j'enseigne ; j'y connais tous les parents...
"Abricot sur le pudding", je ne parle ni shibushi, ni shimahore. Ca va être simple pour comprendre si un conflit survient ou si un litige se présente !
Et "Melon sur le mille-feuilles", une mauvais habitude a été prise à Mayotte : celle de n'exiger que de temps en temps la carte d'identité. On nous rappelle qu'elle devra être obligatoire dimanche, et que les noms et prénoms devront correspondre au registre des votants. Ce qui est loin d'être le cas : les notions de noms et prénoms étant très nouvelles, il est fréquent que ceux-ci changent au gré des évènements de la vie...
Enfin, "Pastèque sur le Saint Honoré", un des chefs de campagne m'annonce que ce bureau est traditionnellement "chaud" et pas du tout acquis à la liste de l'UMP. Il y a déjà eu du sport !

Dimanche soir, je serai peut-être brûlé en place publique ou  jeté aux requins.


Pour tenter de vous rendre compte de ce que peuvent être les campagnes et les élections ici, voici quelques morceaux choisis :

- Les meetings se déroulent en extérieur ; souvent les places publiques. Les hauts parleurs font rugir les candidats de 16h à 2H du matin. Je ne me suis pas endormi tôt cette semaine; j'habite près de la place.
Les chants alternent avec les discours martelés. Les campagnes sont des moments de fièvre et d'énervement même dans les petites communes de 6000 à 10000 habitants.
- Une atsem de l'école m'a avoué qu'elle a reçu en 1995 un billet de 200 francs pour son vote ; qu'elle n'a d'ailleurs pas honoré ! La tradition se poursuit, me dit-on.
- Une autre m'a révélé des pratiques un  peu spéciales : pour qu'une liste ne soit pas élue, il faut prendre le bulletin et le placer sur la tombe de quelqu'un qui fut muet de son vivant ; ainsi, la liste en question devient muette et n'est pas élue.
- Les contrats municipaux de quelques mois deviennent légion en période électorale. L'équipe en place monnaye cela contre les voix. Le maire d'un village proche a récemment été mis en cause dans le journal  télé local pour avoir menacé de licenciement une dame qui ne voulait pas se présenter sur sa liste. Il fut pitoyable devant les caméras en s'embrouillant dans des explications foireuses.
- Une personne en qui j'ai toute confiance m'avoue sans gène qu'elle rappellera bien dimanche matin aux anciens de son quartier pour qui ils doivent voter. Cela fait une semaine qu'elle les fait "réviser" en leur montrant le bon logo. "Si tu votes celui-là, on te règlera plein de problèmes de ta vie".

Bien évidemment, loin de moi l'idée de montrer du doigt la politique mahoraise qui serait la seule à ne pas être très "clean".
Quand on voit ce qui se passe en métropole en ce moment !


Ainsi, après m'être perdu en forêt en septembre, je m'égare en politique en mars. Problèmes d'orientation récurrents.
C'est donc le moment choisi pour laisser vos commentaires et vous f....grandement de ma g.....
Si, si ! Ne vous gênez pas ! Le blog est aussi fait pour ça.

A bientôt pour la suite (peut-être...)