Nombre total de pages vues

dimanche 8 septembre 2013

n° 19 : A la belle étoile dans la forêt tropicale ...

Par Didier

Je suis bien certain qu'à la fin de cet article (et même pendant la lecture), certains vont bien se f... de moi.
Mais le ridicule ne tue plus ; alors je me lance.
Comme vous le savez, je suis plutôt trailer (coureur des bois) que coureur sur route.
J'avais donc décidé de me faire une sortie d'une heure et demie ce vendredi dernier à 16 H 15.
Je repère un chemin de grande randonnée sur la carte IGN et je décide de le suivre en sortant du village. Un vrai bonheur de courir sur ce sentier étroit avec d'un côté les champs de bananiers plantés à flanc de colline, et de l'autre l'océan et ses vagues venant tranquillement s'échouer sur la plage et ses quelques rochers. Et bien entendu, personne ni d'un côté ni de l'autre.
J'arrive alors au village suivant, comme prévu. Et je trouve la suite de ce sentier : sur un gros arbre, deux traits parallèles rouge et blanc ; je suis sur le GR (chemin de grande randonnée).
Et le chemin se retransforme en single (très étroit). Je dépasse des enclos avec des zébus ;  je salue un homme revenant des champs avec un régime de bananes sur l'épaule et un chombo à la main (sabre ou coupe-coupe local) ; je dérange un groupe de makis qui grondent et pestent à mon arrivée. Bref, le pied pour courir !
Je regarde alors ma montre : 17h 30. Comme je sais que la nuit tombe en dix minutes vers 18 h, je décide de faire demi-tour. Et là, je commets l'erreur d'avancer dans une clairière défrichée sur une dizaine de mètres. Quand je me retourne, plus de chemin ! Des Djinns (esprits) l'auraient-ils fait disparaître ?
J'arpente sur une largeur de trente mètres la zone d'où je pense être venu : que des fourrés inhospitaliers !
Où est donc passé ce fichu chemin ? Et la nuit qui commence à tomber. Et plus je cherche, moins je trouve. Je monte sur la crête pour tenter de voir où je suis : de l'autre côté de ma colline... une autre colline. Cela a pris du temps ; la nuit me tombe dessus d'un coup, et semble me dire : maintenant, tu es coincé !

J'avoue que pendant cinq minutes, je panique. Comme j'ai eu la bonne idée (pour une fois) de prendre mon portable, je téléphone à Françoise pour lui dire que je me suis....perdu. La communication passe mal, mais elle saisit vite que la situation est inquiétante et prévient aussitôt la gendarmerie. Mieux que ça, d'ailleurs puisqu'elle s'y rend. Les militaires sont plutôt accueillants et sympathiques. Ils me téléphonent et décident de me rechercher. Mais cela ne va pas être simple, car je suis dans une des forêts les plus denses et vastes de l'île !
J'ai retrouvé mon calme et leur dit de ne pas se déplacer ; je vais passer la nuit dehors.
Bien entendu, ils ne l'entendent pas ainsi, et commence à mobiliser quelques hommes.
Et c'est parti pour la chasse à l'homme perdu !
Pendant ce temps, je suis toujours sur ma crête avec le portable à bout de bras pour capter les appels. J'en loupe pas mal. Puis je m'assoie et décide de ne pas bouger. J'ai dans l'idée que je vais dormir ici.
Donc je commence à me constituer une couchette de fortune, et ceci dans une nuit totale : pas de lune ce soir.
Je dérange un groupe de makis ; je crie plus fort qu'eux et ils vont déménager un peu plus loin. Puis ce sont les mainates dont l'île regorge qui partent dans un concert d'enfer. J'entends enfin un meuglement rauque : des zébus paissent à cent mètres de moi. J'enrage : s'il y a un enclos, le chemin ne doit pas être loin. Et je ne peux plus le trouver ... On n'y voit pas à un mètre. Et c'est un chien qui aboie pas très loin de moi. Avec un gourdin à proximité, je saurai le renvoyer s'il se présente un peu trop près.
Dans les buissons, des bruits d'animaux nocturnes qui commencent à profiter de la nuit. Mais je sais qu'il n'y a pas d'animaux véritablement dangereux à Mayotte : pas de serpents ou d'araignées. Les ennemis sont le moustique et la scolopendre ; rien d'autre.
Pendant que je me résous à passer cette nuit en forêt, Françoise s'est mise la rate au court-bouillon. Elle se prépare à passer une nuit au téléphone afin de me rassurer au besoin. Pas question pour elle de manger ou de dormir.
Pendant ce temps, j'écoute la nuit et ses bruits, j'entends l'océan très loin et l'appel du muezzin. mais ça ne m'aide pas beaucoup.



Et les gendarmes ?! Ils me cherchent toujours. Mais comme nous nous sommes mal compris au téléphone, ils sont partis dans la direction inverse à grand renfort de gyrophare, de sirène et de mégaphone. Ils me font savoir qu'ils vont suspendre les recherches, car, ils ne connaissent pas très bien ces innombrables sentiers. Ce sont des m'zungus, comme moi. Et ils peuvent autant se perdre que moi.
Je leur dis que je verrai clair demain ; quand il fera jour,  je descendrai vers la ferme et chercherai le fermier qui viendra s'occuper de ses animaux.
Allongé sur le dos, je prends mon mal en patience.
Puis soudain un appel ; il me semble avoir entendu mon nom dans cette forêt tropicale. Ai-je rêvé ?
Un second appel, puis une lumière. Puis deux. Les gendarmes sont à mes trousses, ou plutôt à ma rescousse ! J'avance vers eux, trébuche, tombe dans les fourrés, me relève, arrive un peu penaud vers eux. Je ne fais pas le fier en les rejoignant, vous pouvez en être surs !
Il y a là deux mahorais : le chef de la police municipale et son frère, grand connaisseur de la forêt. Et un gendarme ; cet adjudant-chef me fait savoir que "même son épouse n'est jamais parvenue à le faire crapahuter pendant deux heures en forêt".
Je fais profil bas ; mais comme je ne suis ni blessé, ni affaibli, ils sont rassurés et je refais le chemin inverse encadré par les forces de police et de gendarmerie. Un devant et deux derrière !
Au bout du chemin, la voiture des gendarmes nous attend. J'y prend place, là encore bien accompagné. Celui qui était resté de faction me fait son petit commentaire. Je plaisante pour détendre l'atmosphère. Les policiers mahorais rigolent un peu : se perdre tout près de son village !!!!
 Pour info, j'avais viré de quelques degré en me dirigeant vers la clairière ; et le chemin que je croyais être derrière moi, partait en fait sur ma gauche. Mon sens de la non-orientation a encore fait fureur.
Les gendarmes m'ont ramené juste devant la porte de la maison. Il m'ont souhaité "un bon accueil que va vous faire madame !" J'ai dormi dans un lit, finalement. Il y faisait même un peu trop chaud par rapport à la douceur de la forêt. Françoise était enfin rassurée. J'ai promis de ne plus lui faire de telles frayeurs.

Épilogue : le lendemain, j'ai rencontré le commandant de la gendarmerie de Mayotte à la grande réunion de rentrée des enseignants. Je lui ai dit que ses hommes avaient été perspicaces et efficaces ; je lui ai demandé de les remercier encore de ma part. Il m'a regardé avec un sourire en coin en commençant sa phrase par : "Ah, c'était vous!..."
Oui, c'était moi. Bien évidement, je me suis déjà fait charrier par quelques collègues. "Tu as fait fort pour un nouvel arrivant !"


17 commentaires:

  1. Hello ça c est de l aventure !!!!!!!

    Juste un petit mot pour vous donner des nouvelles de la famille tous les phasmitos vont bien ils vous embrassent très fort :-)
    A très bientot
    PetM

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Aventure, aventure... Moi je trouve plutôt que c'est de l'imprudence... Ce qui m'a fait rire, c'est le retour à domicile dans le panier à salade et bien encadré...
      Pour les phasmes, embrassez les pour nous, surtout celui qui est toujours dans le haut à droite c'est un grand sensible!!!
      On vous bigophone un de ces soirs...
      Bisous à vous 2
      L'aventurier et l'inquiète

      Supprimer
  2. Après avoir vécu l'angoisse côté Françoi je suis "contente" d'avoir la version côté Didier! Tu as du avoir une sacrée trouille. Prochain cadeau après une boussole une lampe frontale et interdiction de refaire de telles frayeurs. Bisous
    Vero

    RépondreSupprimer
  3. Heureusement que tu es là pour témoigner de mon inquiétude car Didier prend cela avec désinvolture et semble ne pas avoir mesuré le danger encouru... Bisous. La p'tite couse
    La trouille a duré dix minutes. Après, j'ai attendu en profitant de la magie de la nuit tropicale (bruits et odeurs). D'ailleurs ,j'y retourne bientôt, mais plutôt en matinée, à la fraiche. On n'arrête pas un trailer fou ! Didier
    En tout cas, ma grande couse, si il s'égare de nouveau je le laisse où il est et je n'appelle pas la gendarmerie, il se débrouille...Il dormira réellement à la belle étoile au milieu des bêtes sauvages...

    RépondreSupprimer
  4. Les bêtes sauvages auront peut-être peur de lui...
    Sincèrement Françoise a eu vraiment très peur, tu n'avais pris ni à boire ni à manger, le froid, les bêtes... Il y avait de quoi flipper dans un pays seule !!! Bisous Françoise et à toi aussi Didier mais prends soin de ma petite couse j'y tiens
    Véro

    RépondreSupprimer
  5. je me marre encore en lisant ces quelques lignes, champion didier !!!!!!!!!

    je ne dis rien, je pense que j'aurais fais exactement comme toi , et claire m'aurait passé un savon ( ca c'est déjà passé en réalité, perdu mais de jour)
    la nuit à la belle étoile aurait été une belle expérience !
    heureusement que tu avais le téléphone pour prévenir quand même.
    didier j'ai fais l'infernal trail des Vosges samedi dernier, départ a 3h sous la pluie....nettement moins dépaysant que tes parcours actuels , profite!
    a plus, sebastien.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les charmes du trail en version off, et sans assistance.... ou presque. C'est quand tu veux pour une sortie ici. Tu verras, c'est génial de courir dans ces paysages. On n'a pas envie de rentrer (je rigole).
      Chapeau pour l'infernal des Vosges ! C'est du costaud aussi !
      Bonne récup.A+ Bise à claire !

      Supprimer
  6. Tu joue le Tarzan dans la jungle avec chita!!!Michel

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'étais un peu plus vêtu que lui. Et pas de Chita, mais plein de makis.

      Supprimer
  7. Françoise, Didier a été le Robinson Crusoé 2013 pour quelques heures, il préparait sa couche pour dormir !
    Vous avez du flipper en le sachant seul dans cette fôret dense ... quelle angoisse ! Les gendarmes ont été efficaces.
    Amicalement. Fabienne

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avoue avoir stressé et c'est moi qui ai déclenché les secours car lui voulait passer la nuit à la belle étoile et il s'y préparait... Avec du recul, je pense qu'il ne risquait rien mais bon on ne se refait pas... En revanche, j'ai bien ri quand le panier à salade s'est arrêté devant la maison et qu'il en est sorti un peu penaud quand même. Que d'émotions!!! En attendant, mon retour nous avons encore quelques aventures en perspective, espérons que tout se passera au mieux. Je vous embrasse et embrassez tout le monde de ma part, je pense très fort à vous...

      Supprimer
  8. Didier, j'ai la solution. Ce jeudi 12 c'est la reprise de la chorale, à mon avis c'est bien moins dangereux.
    Amitiés. Claude

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonne reprise à la chorale. Attention quand même à ces animaux que sont le canard et le chat dans la gorge...
      Amitiés.

      Supprimer
  9. Ma pauvre Françoise, j'espère que tu as fait un stock de gaviscon! Si ça peut rassurer Kilian machin le champion espagnol est resté coincé sur le mont blanc et il s'est fait remonter les bretelles à la télé. Bisous et attention à vous.
    Dominique

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Gaviscon et autres médicaments antistress, enfin je commence à m'habituer. Peut-être vais-je devenir une vraie baroudeuse !!!
      A bientôt

      Supprimer
  10. L'aventure en aventure...c est bien notre ami Serge Lama . Par contre 2 ardennais se sont appropries la chanson.Et oui nous sommes bien dans une BD de Adventurland et depuis le debut nous vivons a fond chaque episode les plus dangereux et tumultueux.D'ailleurs vous devriez penser fortement des votre retour dans les Ardennes ecrire vos memoires!En attentand MERCI de nous en faire profiter.Bonne continuation et prudence.Amities.Laetitia ORTHO

    RépondreSupprimer
  11. Merci de suivre nos aventures qui en sont de véritables... Riches en émotions. Il paraît que ce n'est pas terminé. On appelle cela l'adaptation... A voir
    Je vous embrasse à bientôt...

    RépondreSupprimer