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lundi 9 mars 2015

n° 100 : Sacrifices à Soulou

Ou comment un simple pique nique entre copains peut vous faire côtoyer les esprits de la forêt ou djinns.

Tout commence par une balade sur un sentier forestier afin de rejoindre la plage et la cascade de Soulou dans l'ouest de l'île.
Superbes paysages que nous vous montrerons une prochaine fois quand je penserai à apporter ma caméra ou mon appareil photo...

Nous arrivons donc tout en haut des escaliers de pierres qui surplombent la plage d'une bonne dizaine de mètres. Imaginez l'endroit sauvage, les marches inégales et faites à partir de rochers du lieu ;  bien entendu, aucune construction ; le tout dans une crique où la verdure non maitrisée est omniprésente.
Un peu comme sur les plages des îles désertes.

Sauf qu'aujourd'hui, il y a du  monde : une bonne cinquantaine de personnes disséminées ici et là.

Mais revenons tout en haut des marches.
Une femme attend là, perplexe à l'idée de marcher sur ces pierres glissantes avec deux gros sacs et deux poulets dont elle a ficelé les pattes. Les personnes qui accompagnent la femme sont déjà en bas et lui disent d'y aller (enfin c'est ce que je crois comprendre, car elles parlent en shibushi).
C'est ce moment que choisit l'un des coqs pour s'échapper et tenter vainement de sauver sa vie.
Je le rattrape alors par les pattes et propose à la bouéni (femme) de la décharger des deux volatiles pendant la descente. Ce qu'elle accepte aussitôt.
Me voici donc parti avec mes deux poulets et mon sac en faisant bien attention de ne pas nous vautrer tous les trois dans les escaliers. Françoise, qui est déjà en bas, rigole et regrette l’absence d'appareil photo !

"Les poulets ne sont pas bien gros ; il ne va pas y avoir grand chose à manger !"
C'est ce que je me dis. Mais je suis complètement à côté de la plaque.

Je tends les oiseaux à un homme qui me remercie.
Quand nous apercevons près de la cascade une dizaine de personnes. Principalement, des jeunes adultes. L'un d'eux a les cheveux recouvert de végétaux découpés en petits morceaux. Il est au centre du groupe. Il se dirige sous la cascade.Tonifiant !
Il veut mettre fin à cette "douche", mais une jeune femme l'y repousse en criant et en chantant.
L'ensemble se passe dans une ambiance "bon enfant", mais on sent malgré tout qu'il y a un rituel à respecter.

Pourquoi tout cela ?
La réponse va nous être donnée par un jeune homme qui est à l'écart du groupe auquel il n'appartient d'ailleurs pas.
C'est une "cérémonie" en l'honneur des esprits : les djinns.

Lui ne croit pas à l'utilité de ces pratiques ; "si on est un vrai musulman, on ne fait pas ces choses ; de toute façon, les djinns ne prennent jamais ce qu'on leur laisse ; ni l'argent, ni les poulets. Si tu reviens le lendemain ou après le lendemain, l'argent et les poulets sont là ; les djinns ne les ont pas pris"
C'est alors que je réalise que les coqs que j'ai transportés étaient ceux du sacrifice en l'honneur des djinns.
Était-ce pour demander une faveur ou pour provoquer une guérison ? Je n'en sais rien.
Il pouvait ici s'agir de désenvoutement, ou d'offrandes avant un examen ou tout autre épreuve.

Un collègue prof de lycée nous confirme que la pratique est courante : tel crayon est censé permettre la réussite au bac, car il a été touché par le sang du coq, de la chèvre ou du zébu sacrifié ; nombre d'enfants portent autour du cou un petit sac en toile destiné à les protéger ; avant un match de foot, des amulettes sont enterrées sur le terrain pour donner la victoire.

Tout le monde croit plus ou moins aux djinns à Mayotte.

"Esprits, êtes-vous là ?"  Qui le sait, après tout ? !

La cascade de Soulou





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